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Points de vue partagés sur des questions et des enjeux de société qui touchent la condition de Maxime




03 Décembre 2013

Texte par Maxime D.-Pomerleau

J’aime pas l’hiver (conversation de madame)



J’aime pas l’hiver. Mais l’hiver ne m’aime pas non plus. C’est équitable, dans un sens, comme relation.

27 novembre : mon règne sur les trottoirs de Montréal s’achève avec la première neige mouilleuse qui reste collée au sol. Mon hibernation est officiellement commencée. Cette année l’hiver arrive tôt; les années passées j’avais des party de Noël le 15 décembre et je pouvais encore rouler dehors pour revenir chez moi, le soir, même s’il faisait froid. Cette année, l’hiver a décidé qu’il se faisait assez manger la laine sur le dos par les changements climatiques et il nous rappelle gentiment qu’il devrait déjà être là, en même temps que les lumières de Noël. Mais j’aime pas l’hiver.

Quand marcher dans la neige devient un exploit digne des Olympiques, imaginez pour ceux qui roulent. « Oui mais madame, heureusement il y a le (fameux) Montréal souterrain! » Super. Encore faut-il s’y rendre... Oui, madame, mais c’est l’hiver et je ne peux même pas franchir les 500 mètres que Google Map prétend qu’il y a entre moi et ma station de métro, mon entrée dans le Montréal souterrain. Même avec les trottoirs déneigés, mes petites roues se prennent vite dans les bancs de neige aux coins des rues. 500 mètres, c’est pas beaucoup il me semble, non? Mais l’hiver, les mètres rallongent et deviennent des miles et des miles qui usent la patience et les gants jusqu’à la peau. Mon épicerie est à 600 mètres, imaginez! « Oui mais madame, faites-vous livrer l’épicerie! » Oui, c’est vrai madame, mais quand on commande l’épicerie par Internet ou qu’on la fait même seulement livrer, c’est 10$ de plus sur une facture de minimum 35$-45$. Ça paraît quand c’est l’hiver et qu’on a le budget pour recevoir un panier de Noël.

« Oui mais madame, vous devez être contente, vous avez du transport adapté! J’aimerais ça, moi, qu’on vienne me chercher chez moi et qu’on m’amène directement au magasin! » Ah oui, c’est bien vrai madame, y a le transport adapté. Mais l’hiver, le transport est aussi bien organisé que le système de déneigement à Montréal, c’est-à-dire foutrement mal. Et puis, des fois, MétéoMédia dit qu’il va tellement neiger que le Transport ne vient pas; il prend congé lui aussi et il te laisse là, chez vous, sans t’avertir. Alors tu appelles tes amis et tu leur dis que tu hibernes et que s’ils veulent te voir, il faut venir prendre le thé chez vous. Je déteste l’hiver.

C’est comme ça pendant une couple de mois, et là, un jour, ben l’hiver finit. Il se fait tout petit au sol et décide de laisser les gens renaître de leurs cendres d’hiver. Sauf que, madame, quand on est handicapé, l’hiver dure pas seulement l’hiver, il dure toute l’année.

Je peux franchir les 500 mètres pour aller au métro, mais il n’est pas accessible, le métro. « Oui mais madame, il y a des ascenseurs au métro de Laval! » Les escaliers au métro Frontenac me rappellent que je ne peux pas aller faire de u-turn à Laval voir les beaux ascenseurs. Et les bus au plancher bas, ah! parlons-en. Elles ne restent plus gelées les petites rampes d’accès, comme l’hiver, mais certains débarcadères restent dangereux toute l’année, et même que, des fois, il n’y a pas de passages accessibles durant les heures de pointe en semaine. C’t’un peu fourrant quand on travaille sur le même horaire de jour que le commun des mortels…

« Oui mais madame, il y a encore le transport adapté! » Ah oui, le transport adapté, on voudrait l’oublier qu’on en serait incapable. Lui, il ne change pas beaucoup au gré des saisons. Même s’il n’y a plus de neige pour le mettre en congé forcé, il va quand même venir me chercher en retard à des heures pas possibles, faire la run de lait dans toute la ville et réussir à me déposer en retard à un meeting avec un nouveau client. Tout pour entretenir une vie active, j’vous jure. « Oui mais madame, vous devez être contente-là, il n’y a plus de neige, vous pouvez sortir! » Ah oui! Ça, madame, vous avez bien raison! Je peux rouler et crier Libertéééééé dans les rues de Montréal. Mais la marche de béton devant le commerce, le restaurant, le dépanneur, elle ne fond pas avec la neige. Alors c’est comme l’hiver, je ne peux toujours pas entrer dans le bar, la salle de spectacle, la jolie boutique.

Je hais l’hiver. Et c’est long, haïr une saison qui dure 3 mois pour tout le monde mais toute l’année pour toi. Mais, madame, ne vous en faites pas pour nous, on s’habitue vite à perdre notre autonomie. Moi, pour survivre à l’hiver, je me rabats sur mon comfort food, je prends un abonnement à TYLENOL Rhume Extra Fort et j’écoute Montréal -40°C en boucle. Et quand je vais être riche, je vais m’acheter un condo à Fort Lauderdale et passer l’hiver en Floride.




03 Octobre 2013

Texte par Maxime D.-Pomerleau



Le 18 septembre dernier j’ai participé à un exercice de caméra cachée pour le média La Presse, qui montait un grand dossier intitulé « Le Québec est-il tolérant? ».

Suite à un sondage effectué auprès de la population, 91% des personnes interrogées disaient qu’elles n’avaient pas de problème avec les privilèges accordés aux personnes handicapées. L’idée était d’aller vérifier sur le terrain si c’était le même son de cloche, notamment avec le transport en commun.

Le reportage est d’abord sorti sur La Presse+ (pour iPad) le 27 septembre puis sur le site web de La Presse au début de cette semaine. Ce qu’on y découvre n’est pas étonnant : les Québécois de toutes les origines sont très ouverts et empathiques envers les personnes de groupes minoritaires ou « marginalisés » telles que les personnes en situation de handicap.

Je tiens cependant à clarifier quelque chose : avoir accès au transport en commun à l’heure de pointe n’est pas un privilège, c’est une demande légitime des personnes à mobilité réduite. Privilège est un mot porteur de préjugés et mal utilisé dans le contexte présent.

À mon sens il est du devoir des médias d’utiliser les bons termes lorsque l’on parle des personnes handicapées car ils font une forte impression sur la population est les stéréotypes véhiculés dans la société.

Le mot privilège sous-tend que la personne handicapée est favorisée par rapport à une autre personne sur le fait qu’elle a accès aux mêmes services, alors que cette mesure particulière ne rend pas la situation de handicap profitable. Il serait aussi utile de faire la nuance entre un endroit « adapté » et « accessible ». C’est le manque d’accès qu’on dénonce, pas le manque d’adaptation. Mon appart est accessible mais il n’est pas adapté et j’y vis très bien quand même!

Installer une rampe d’accès à un autobus ou rendre l’entrée d’un commerce accessible ne sont pas des privilèges mais bien des mesures d’accommodement permettant aux personnes en fauteuil roulant d’avoir accès aux mêmes biens et services que l'ensemble des citoyens.

Après tout, ce sont de telle mesures qui permettent aux personnes handicapées d’aller à l’école, de travailler, de faire des achats, d’avoir accès à des services, bref, de contribuer activement à la société!

Bien qu’on ait encore beaucoup de chemin à faire pour changer la perception du public sur les personnes en situation de handicap, on constate quand même que le Québec est une société inclusive où différence va de pair avec enrichissement.

Pour visionner le reportage sur le site de La Presse, cliquez ici.